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A propos des premières œuvres (1953-1969) de Xenakis. Pour une approche historique de l'émergence du phénomène du son

Makis Solomos

Thèse de doctorat, Université Paris 4, 1993, 675 p.

Table des matières

Introduction

Première partie. L'émergence du son

Chapitre 1. Vers une techno-musique

                  Chapitre 2. Rationalisation et dissolution du matériau

                  Chapitre 3. Emergence du son. Son et sonorité

                  Chapitre 4. Forme et sonorité

                  Chapitre 5. Du geste

Seconde partie. Des dimensions du son à la sonorité

  A. Dissolution des dimensions du son

                  Chapitre 6. Hauteur et idéologie

                  Chapitre 7. Rythme, durée, registre, intensité, espace

                  Chapitre 8. Timbre

  B. Les sonorités xenakiennes

                  Chapitre 9. Sons glissés

                  Chapitre 10. Sons statiques

                  Chapitre 11. Sons ponctuels

Troisième partie. Analyses d'œuvres

                  Chapitre 12. Pithoprakta. Forme, masses et sonorités

                  Chapitre 13. Nomos alpha. Degrés de liberté de la pensée paramétrique

                  Chapitre 14. Nuits et la fusion forme-matériau

                  Chapitre 15. Persephassa et les questions du rythme

Conclusion

Annexes

Résumé

Ce travail se propose d'analyser la première production musicale de Xenakis (de 1953 à 1969, comportant 35 œuvres, dont 29 ont été retenues) par rapport à la notion de sonorité.

Il est constitué de trois grandes parties (totalisant quinze chapitres). Dans la première sont exposés et développés ses fondements théoriques. La seconde applique ces notions à l'analyse musicale globale des 29 œuvres formant le corpus examiné. La troisième propose une analyse musicale détaillée de quatre œuvres de ce corpus. Outre l'introduction et la conclusion, le travail comprend aussi une liste des œuvres étudiées, une bibliographie commentée de tous les écrits de/sur Xenakis ainsi qu'un index des œuvres et des thèmes abordés. Voici un résumé pour chaque chapitre.

   La première partie constitue une vaste introduction théorique au travail et repose sur un cheminement logique qui passe par cinq étapes. Elle a aussi pour but de mettre en rapport l'œuvre de Xenakis avec les autres courants de la musique contemporaine des années 1950-60, notamment le sérialisme.

La première étape (chap.1) consiste en une "déconstruction". Nous partons de l'aspect le plus connu de Xenakis : la tentative de formaliser la musique, c'est-à-dire sa "technicisation" (le mot "technique" étant pris dans son acception philosophique), notamment par l'introduction de procédés mathématico-logiques dans la composition musicale. Est alors développée une argumentation visant à suggérer que, prise à la lettre, une musique entièrement formalisée (une techno-musique) échapperait radicalement à l'auditeur ainsi qu'au compositeur.

Le chap.2 s'achemine vers une "reconstruction". Nous nous y intéressons à la notion de matériau musical, dans lequel semble s'être refugié le "sens" de l'œuvre, puisque les structures et les systèmes ne le génèrent plus. Est fait appel à la théorie adornienne du matériau, qui est complétée en référence aux œuvres des années 1950-60 (Xenakis et ses contemporains). Sont développées successivement les idées de "rationalisation" et de "dissolution" du matériau.

Situé au cœur de la première partie, le chap.3 aborde la notion de sonorité. Il parachève la "reconstruction", en étayant l'hypothèse suivante : l'œuvre de Xenakis peut être directement appréhendée dans son aspect strictement sonoriel. Cependant, nous distinguons son et sonorité. Par sonorité, nous n'entendons pas des sons bruts (des timbres, notamment), mais des constructions globales. En somme, l'étape de la techno-musique, l'étape constructiviste — que nous avions rejetée dans le chap.1 — s'avère indispensable à la réalisation de la sonorité.

La quatrième phase du cheminement (chap.4) examine la question de la forme. Constatant la simplicité des formes xenakiennes (réduites le plus souvent à une juxtaposition de sections) et la primauté de l'instant (de la section particulière) dans lequel l'auditeur est appelé à s'immerger, nous suggérons qu'il n'y a plus à proprement parler de forme : la forme a fusionné avec le matériau (on ne peut plus distinguer les deux). A ce niveau, nous retrouvons encore la catégorie de sonorité, comme synonyme d'une section particulière d'une œuvre.

Le dernier chapitre de la première partie (chap.5)  traite du geste, qui constitue l'aspect le plus immédiat (au sens étymologique du terme : non-médiatisé) de la musique de Xenakis. Le geste est analysé comme l'antithèse de la sonorité par rapport au devenir de la notion d'expression. Nous y développons l'idée que la sonorité dépasse la nécessité de l'expression et propose un monde "serein", alors que le geste se situe encore du côté de l'expression, mais d'une expression devenue problématique. Cette idée peut tenter de fournir une explication à la "violence" qui caractérise une bonne part de la musique de Xenakis.

La seconde partie, qui effectue une analyse musicale globale des œuvres formant le corpus envisagé, est composée de deux sous-parties.

La première sous-partie consiste en une analyse paramétrique des œuvres en question. Le but est de suggérer que le matériau se "dissout", c'est-à-dire que, prise séparément, chacune des dimensions du matériau n'offre pas un intérêt suffisant pour fonder le discours musical : toutes les dimensions convergent afin de produire ce qui a été défini comme sonorité.

Un chapitre (chap.6) traite exclusivement du traitement de la hauteur. Nous étudions d'abord les premières œuvres, qui proposent une indifférenciation absolue : le compositeur emploie le calcul probabiliste. Puis, nous analysons ses tentatives de réintroduire la différenciation, notamment par la "logique symbolique" et la "théorie des cribles". Sont aussi traités les moyens avec lesquels les micro-intervalles sont introduits.

Le chapitre suivant (chap.7) traite successivement du rythme, du registre, de l'intensité et de l'espace. L'analyse du matériau rythmique reprend les deux catégories développées pour les hauteurs : indifférenciation puis tentatives de différenciation. Nous proposons aussi de distinguer entre durée et rythme. L'étude du registre est fondée sur l'idée que Xenakis a souhaité en faire une dimension à part entière de la musique. Les intensités, quant à elles, sont mises en rapport avec la notion de geste. Enfin, nous abordons la question de la spatialisation du son.

Le dernier chapitre de la première sous-partie (chap.8) est centré sur le timbre. Il vise à montrer que, si le timbre occupe une place essentielle dans la musique de Xenakis, il n'a pas néanmoins pour fonction de se substituer à la hauteur, en raison précisément de son hypertrophie. Nous traitons d'abord des timbres instrumentaux et proposons des classifications précises. Puis, nous analysons les œuvres utilisant la voix. Enfin, sont abordées les quelques œuvres électroacoustiques que Xenakis a composées durant la période examinée.

La seconde sous-partie suggère que les diverses dimensions de la musique, traitées séparément dans la première sous-partie, convergent en fait vers la production de ces entités globales que nous nommons sonorités. Nous proposons une typologie des sonorités xenakiennes fondée sur trois grandes catégories. Toutes les œuvres du corpus étudié sont entièrement décomposées en ces trois catégories.

La première sonorité (chap.9) est constituée des sons glissés. Le chapitre qui les analyse s'ouvre sur une étude de leur rôle, où nous suggérons qu'il s'agit bien de sonorités et non de sons bruts (de timbres), puisqu'ils sont intégralement composés. Puis, nous nous focalisons sur la première grande catégorie de sons glissés : les glissandi. Une typologie plus fine traite du rapport entre "forme" et "figure" quant à ces derniers. Enfin, sont examinées les arborescences, qui sont mises en relation avec les sons glissés.

Les sons statiques (chap.10) constituent la seconde grande catégorie de sonorités xenakiennes. Nous la décomposons en trois sous-catégories : "tenues", "notes répétées" et "tenues répétées". Les deux premières sont appréhendées en tant que manières de composer artificiellement des "spectres" (une sonorité peut être comparée à un son unique, composé avec des moyens instrumentaux). Nous examinons en détail les évolutions globales et intérieures de ces spectres. L'analyse des tenues répétées montre leur origine et leur évolution progressive vers le rythme-pulsation.

La troisième sonorité (chap.11), que nous nommons sons ponctuels, est plus homogène. Elle est proche de ce que Xenakis appelle "masse". Après une étude du rapport entre masses et polyphonie, nous abordons les masses homogènes. Les sons ponctuels sont alors classés selon plusieurs sous-catégories en fonction de leur nature. Puis, sont abordées les masses hétérogènes.

La troisième grande partie du travail propose des analyses très détaillées de quatre œuvres. Celles-ci sont les plus représentatives de la période examinée et offrent en outre deux avantages : couvrant toute la période, elles se situent à des moments charnières ; elles mettent en œuvre des problématiques particulières, qui n'ont pas été traitées dans les chapitres précédents.

Pithoprakta (chap.12) est analysée par rapport à trois éléments. En premier lieu, la forme. L'analyse détaillée montre que cette œuvre est représentative de la forme préférée de Xenakis : la juxtaposition de sections, qui est souvent tempérée par l'utilisation de la technique de la transformation progressive. En second lieu, les masses : nous montrons que les masses de Pithoprakta sont d'une variété extraordinaire. Enfin, les sonorités de l'œuvre.

Le chapitre consacré à Nomos alpha (chap.13) traite de l'œuvre la plus "formalisée" et la plus complexe de toute la production de Xenakis. L'analyse détaille d'abord la construction du "système" que le compositeur a forgé et qui fait appel à la théorie mathématique des groupes. Puis, nous abordons un aspect moins connu de la formalisation xenakienne : la manière avec laquelle le système est "appliqué", c'est-à-dire la composition concrète de l'œuvre. Enfin, nous traitons des aspects de la pièce qui ne sont pas formalisés, qui sont donc le produit d'une élaboration "intuitive".

Nuits (chap.14) est sans doute l'œuvre la plus célèbre de Xenakis. Notre analyse est orientée vers la fusion forme-matériau qui s'y produit. Après l'étude séparée de la forme (où nous comparons diverses segmentations effectuées par d'autres commentateurs et tentons de déceler la présence de la section d'or) et du matériau (analyse des hauteurs, registres, phonèmes, intensités, rythmes et densités), nous abordons le résidu cette fusion, c'est-à-dire les sonorités.

Persephassa (chap.15) a été choisi pour illustrer les questions de rythme que pose Xenakis. Nous envisageons le rythme selon trois angles différents. Le rythme comme paramètre d'abord, que nous nommons "durée" (cribles de durées, rapport des durées à l'espace et rôle des durées en tant que facteur de coordination). Le rythme est ensuite appréhendé dans ses relations avec la sonorité et le geste (analyses de certaines sections de l'œuvre). Enfin, il est abordé dans sa qualité de rythme-pulsation, que trois sections de l'œuvre matérialisent.

Cette thèse est disponible dans les bibliothèques suivantes, à Paris :

-Cdmc

-IRCAM

-Université Paris 4